Qui est responsable en cas d’erreur d’un robot autonome ?

Robots intelligents, responsabilités floues : vers une révolution juridique ? Découvrez les réponses possibles aux erreurs des IA autonomes.

DROIT ET ROBOTIQUE

C.Becouze

7/16/20255 min read

Vers une responsabilité sans faute ou partagée ?

Les technologies d’intelligence artificielle (IA) et de robotique progressent pour s'unifier et permettre un jour l'avènement de robot doté d'IA. En effet, de tels robots deviendront autonomes et s'intègreront dans notre quotidien. D'ailleurs, cette évolution est visible en 2025 avec : les voitures partiellement autonomes, les drones, les assistants médicaux, les robots industriels ou même de service. Ces intégrations soulèvent des questions juridique, éthique et sociale fondamentale :

  • Qui sera tenu responsable en cas d’erreur commise par un robot autonome ?

  • Est-il pertinent de repenser nos modèles traditionnels de responsabilité pour s’adapter à ces entités qui, bien qu’issues de l’ingénierie humaine, agissent de façon indépendante ?

  • Devons-nous évoluer vers une responsabilité sans faute, ou envisager une responsabilité partagée entre les différents acteurs ?

I. Comprendre la nature de l’autonomie des robots

Avant de discuter de responsabilité, il convient de clarifier ce que signifie « autonomie » dans ce contexte. Un robot autonome est un système capable de prendre des décisions et d’exécuter des actions sans intervention humaine directe. Ces décisions reposent souvent sur des algorithmes d’apprentissage automatique, qui permettent au robot de « s’adapter » à son environnement, mais rendent également ses comportements parfois imprévisibles.

Cette autonomie pose un problème fondamental pour le droit : dans un système traditionnel, la responsabilité est fondée sur la faute (civile ou pénale) d’un humain. Mais ici, qui « faute » ? Le robot n’a pas de volonté propre, de conscience ni de personnalité juridique. Or, l’enjeu est majeur : lorsqu’une voiture autonome provoque un accident, lorsqu’un robot chirurgical commet une erreur, ou lorsqu’un algorithme d’aide à la décision prend une mesure discriminatoire, il faut bien déterminer qui en portera les conséquences juridiques.

II. La responsabilité traditionnelle : limites face à l’autonomie

A. La responsabilité du fabricant

Dans de nombreux cas, la responsabilité peut logiquement incomber au fabricant du robot ou au développeur du logiciel. C’est l’approche classique du droit de la responsabilité du fait des produits défectueux. Si le robot présente un défaut de conception ou un dysfonctionnement lié à sa fabrication, le fabricant est responsable, même sans faute prouvée. Cela s’apparente à une responsabilité sans faute, déjà présente dans certains domaines.

Cependant, cette approche atteint ses limites avec les systèmes apprenants. En effet, un robot peut fonctionner parfaitement lors de sa sortie d’usine, mais développer un comportement erroné ou dangereux au fil du temps à cause d’un apprentissage mal dirigé ou d’une interaction imprévue avec son environnement. Le fabricant pourrait alors contester sa responsabilité, arguant que le comportement final du robot échappait à sa maîtrise.

B. La responsabilité de l’utilisateur

Une autre piste consiste à engager la responsabilité de l’utilisateur du robot, sur le modèle de la responsabilité du gardien d’un objet (article 1242 du Code civil en France). Cette option suppose que l’utilisateur a un devoir de surveillance et de contrôle. Mais ici aussi, le caractère autonome du robot vient perturber ce cadre : peut-on raisonnablement attendre d’un usager qu’il anticipe les actions d’un système plus complexe que lui, et potentiellement imprévisible ?

III. Vers de nouveaux modèles de responsabilité

A. La responsabilité sans faute : une piste réaliste

Face à ces difficultés, certains juristes proposent d’instaurer une responsabilité sans faute spécifique aux robots autonomes. Ce modèle consisterait à reconnaître qu’il n’est pas nécessaire d’identifier une faute humaine pour engager une responsabilité. L’objectif principal serait de garantir une indemnisation rapide et équitable des victimes, indépendamment de la complexité technique du robot ou de la traçabilité des décisions algorithmiques.

Ce modèle pourrait s’inspirer de régimes déjà existants, comme celui de la responsabilité des accidents de la circulation, où le conducteur est responsable même sans faute, ou celui des dommages causés par des animaux ou des bâtiments. La victime n’a pas à prouver une négligence, seulement le lien de causalité.

Un fonds d’indemnisation ou une assurance obligatoire pourraient être mis en place, financés par les fabricants, les développeurs ou les utilisateurs professionnels. Cette solution présente l’avantage de la simplicité, mais elle soulève aussi des inquiétudes : risque de déresponsabilisation des concepteurs, incitation réduite à produire des technologies sûres, difficulté d’équilibrer les coûts.

B. La responsabilité partagée : reconnaître la complexité du système

Une autre approche, complémentaire ou concurrente, consiste à instaurer une responsabilité partagée, reflétant la réalité collaborative de la chaîne de production et d’utilisation des robots. Un robot autonome est rarement le fruit d’un seul acteur : il implique souvent un fabricant de matériel, un développeur de logiciel, un intégrateur, un propriétaire, un utilisateur final.

Dans cette logique, en cas de dommage, chaque acteur pourrait être tenu pour partie responsable, selon son rôle dans la chaîne. Cette idée est cohérente avec la notion de co-responsabilité, déjà reconnue en droit du travail ou en matière environnementale. Elle permettrait d’attribuer une responsabilité proportionnée et d’inciter tous les maillons à adopter de bonnes pratiques.

Néanmoins, ce système suppose une analyse fine, souvent difficile, de l’origine du problème, ce qui peut entraîner des procédures longues, coûteuses et incertaines. Il pourrait aussi se heurter à des conflits de juridictions ou de normes si les différents acteurs sont situés dans des pays différents.

IV. L’avenir : repenser la personnalité juridique ?

Certains proposent une solution plus radicale : accorder une personnalité juridique aux robots autonomes. Cette idée, évoquée dans un rapport du Parlement européen en 2017, viserait à créer un statut d’« agent électronique », doté d’une responsabilité propre, et éventuellement de ressources (comme une assurance ou un fonds affecté).

Cela permettrait de sortir du dilemme entre faute humaine introuvable et responsabilité aveugle. Mais cette solution suscite de fortes critiques : comment attribuer une volonté à une machine ? Ne risque-t-on pas de masquer les véritables responsabilités humaines derrière une entité artificielle ? Surtout, cela reviendrait à reconnaître une forme de subjectivité à des systèmes qui, malgré leurs capacités, restent des artefacts.

V. Entre pragmatisme et innovation juridique

La question de la responsabilité en cas d’erreur d’un robot autonome illustre les tensions entre innovation technologique et cadre juridique hérité d’une époque antérieure à l’intelligence artificielle. Aucun modèle unique ne semble aujourd’hui totalement satisfaisant.

Un modèle hybride semble le plus adapté à court terme : une responsabilité sans faute, combinée à un système d’assurance obligatoire, pour garantir la protection des victimes, tout en mettant en place une traçabilité accrue des décisions algorithmiques afin de permettre, lorsque c’est pertinent, d’identifier des responsabilités humaines précises.

À long terme, une réflexion plus globale devra être engagée sur la manière dont nos sociétés veulent intégrer des entités non humaines dans les structures morales, juridiques et économiques. Entre responsabilité partagée, régulation anticipée et éthique de la conception, l’équilibre devra être trouvé entre progrès technologique et justice.


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