La disparition du régime du fait des choses

La disparition du régime du fait des choses dû à l'évolution des voitures semble inévitable, dans un avenir plus ou moins proche.

VOITURE PARTIELLEMENT OU 100% AUTONOME

C.Becouze

6/4/20244 min read

Les Véhicules Terrestres à Moteur (VTM) de niveau 5 : Une nécessité d’adaptation juridique

Les véhicules terrestres à moteur (VTM) de niveau 5, entièrement autonomes, ne devraient pas se conformer au régime traditionnel du fait des choses. Ce régime, qui traite des responsabilités en cas de dommages causés par des choses, ne répond pas aux spécificités et aux risques liés aux technologies avancées de ces véhicules. Il est donc pertinent d’explorer un nouveau régime juridique pour ces VTM, tel que le régime des produits défectueux, qui pourrait offrir une meilleure couverture en cas de défaillance.

Les limites du régime du fait des choses

Le régime du fait des choses, prévu par l'article 1242 du Code civil français, repose sur la responsabilité objective du gardien d’une chose, qui est tenu de réparer les dommages causés par la chose dont il a la garde.

Ainsi, en cas d'accident de la circulation causé par le conducteur d'un VTM, celui-ci doit réparer les dommages causés par son véhicule.

Cependant, ce régime ne suffit pas pour les VTM de niveau 5 en raison de leur complexité technologique et de leur autonomie.

Points problématiques :

  • L'absence de maîtrise directe par le gardien : Dans un VTM 100 % autonome, l’utilisateur n’a aucun contrôle actif sur le véhicule, rendant quasiment impossible le fait d’attribuer une responsabilité basée sur la notion de "garde".

  • La multiplication des intervenants : Les VTM de niveau 5 intègrent des technologies issues de plusieurs acteurs (constructeurs, fabricants, développeurs de logiciels, fournisseurs de données), ce qui complexifie grandement l'identification de qui est responsable.

  • L’évolution constante des logiciels : Les algorithmes embarqués évoluent en permanence via des mises à jour, rendant le cadre classique inadapté pour gérer les éventuels défauts de tels systèmes.

Ainsi, les défis posés par ces véhicules nécessitent une approche plus ciblée pour gérer les problèmes de sécurité et de responsabilité qui peuvent surgir.

En effet, ces limites démontrent la nécessité d'un nouveau cadre juridique plus adapté aux VTM 100 % autonomes.

Le régime des produits défectueux comme alternative

Le régime des produits défectueux est-il la solution juridique idéale pour les VTM 100 % autonomes ? Avec l’évolution des véhicules, il vaut la peine de se pencher sur cette question.

Ainsi, le Code civil français apporte des éléments de réponse, notamment à travers son sous-titre II sur la responsabilité extracontractuelle. En particulier, le chapitre II de ce sous-titre traite de la responsabilité du fait des produits défectueux. Les articles 1245 à 1245-17 du Code civil établissent la responsabilité du producteur d’un produit défaillant, que ce dernier ait ou non un contrat avec la victime.

De ce fait, ce régime est encadré par les articles 1245 à 1245-17 du Code civil français (transposant la directive européenne 85/374/CEE). Il pourrait donc offrir une alternative pertinente pour régir la responsabilité des fabricants de VTM de niveau 5, car ce régime définit un produit défectueux selon deux critères importants :

  • Premièrement : un produit est défectueux si sa sécurité ne répond pas aux attentes légitimes de l’utilisateur. Cela englobe non seulement les aspects techniques mais aussi les attentes raisonnables en matière de performance et de sécurité.

  • Deuxièmement : le producteur ou fabricant d’un produit défectueux doit réparer les dommages causés par son produit, même s’il n’existe pas de relation contractuelle avec la victime.

Implications pour les VTM de niveau 5

Application directe aux constructeurs

En effet, si un VTM de niveau 5 présente une défaillance, les constructeurs pourraient être tenus responsables en tant que producteurs de produits défectueux. Leur responsabilité pourrait être engagée conformément aux dispositions du Code civil, même sans relation contractuelle avec la victime.

Ainsi, cette approche offrirait une meilleure protection pour les utilisateurs de ces technologies avancées et clarifierait les responsabilités en cas de défaillance.

Responsabilité partagée entre les intervenants

Par ailleurs, une autre spécificité de ce régime est qu’il permettrait d’identifier plusieurs responsables. Ainsi, les fabricants de capteurs, de logiciels ou d’autres composants essentiels pourraient également être tenus responsables de leurs contributions en cas de défaillance d'un VTM 100 % autonome.

Protection accrue pour les utilisateurs

Le recours à un tel régime offrirait une meilleure protection juridique des utilisateurs en cas de préjudice. En effet, la victime n’aurait pas besoin de prouver une faute individuelle, mais simplement de démontrer que le produit ne répondait pas aux attentes légitimes en matière de sécurité.

Nécessité d’un cadre juridique complémentaire

Si le régime des produits défectueux semble adapté, il faudra quand même réfléchir à des aménagements spécifiques pour les innovations technologiques émergentes. En effet, la directive européenne 85/374/CEE, transposée en droit français, a été conçue pour des produits physiques traditionnels, et non pour des systèmes de VTM autonomes intégrant de l’intelligence artificielle (IA). Il faudra donc des propositions d'adaptations législatives concernant :

  • Clarification des notions de défaut : Intégrer des critères spécifiques aux produits utilisant des algorithmes d’apprentissage automatique, afin de pouvoir évaluer les risques liés aux mises à jour et à l’apprentissage continu des systèmes.

  • Responsabilité des développeurs de logiciels : Inclure explicitement les éditeurs de logiciels dans le champ d’application du régime. En effet, compte tenu de leur rôle déterminant dans le fonctionnement des VTM 100 % autonomes.

  • Encadrement des obligations de maintenance : Introduire des obligations légales claires en matière de suivi et de mise à jour des logiciels, pour garantir la sécurité continue de tels VTM.

Par conséquent, les VTM de niveau 5, dits aussi VTM 100 % autonomes, incarnent une avancée technologique majeure, mais soulèvent des défis sans précédent en matière de responsabilité juridique. Ainsi, le régime des produits défectueux constitue peut-être une piste sérieuse pour garantir :

  • Une répartition équitable des responsabilités,

  • Une indemnisation efficace des victimes en cas de défaillance.

Néanmoins, une adaptation législative ciblée est indispensable pour répondre entièrement aux enjeux spécifiques de ces nouvelles technologies, afin de protéger les droits des utilisateurs et des tiers.

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