Episode de Black Mirror sur les données post-mortem et vie virtuelle

Un épisode de la série « Black Mirror » (premier épisode de la saison 2) explore la création d’un avatar via un logiciel qui récupère toutes les données internet d’une personne décédée. Cet épisode a suscité des discussions sérieuses, car des entreprises ont déjà développé des logiciels similaires.

DROIT ET SCIENCE-FICTION

C.Becouze

7/6/20245 min read

Synopsis de l’épisode "Be Right Back"

Dans cet épisode de Black Mirror, une jeune femme nommée Martha perd son compagnon, Ash, dans un accident. Dévastée par le chagrin, elle découvre grâce à une connaissance un service expérimental qui permet de recréer une version virtuelle du défunt à partir de ses données numériques : messages, publications sur les réseaux sociaux, vidéos, et autres traces numériques. Ce substitut d’Ash commence par communiquer par écrit, puis par téléphone, avant d’être transféré dans un corps artificiel ressemblant trait pour trait à l’original. À travers cette histoire, l’épisode explore les implications : psychologiques, éthiques et juridiques de la résurrection numérique. Ledit épisode pose la question de savoir si la reproduction d’un être humain à partir de ses données suffit pour capturer l’essence humaine.

Ainsi, cet épisode soulève ainsi de nombreuses questions juridiques et éthiques liées à la gestion des données post-mortem, à la vie numérique après la mort, et à l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pour simuler une présence humaine, que nous allons à présent analyser à travers le prisme du droit français, européen et américain.

Un cadre juridique français sur les données post-mortem

Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

La loi de 2016 pour une République numérique a été promulguée en France et s’applique principalement sur le territoire français. Ainsi, ladite loi aborde la question du devenir des données informatiques après la mort, marquant le début de la notion de « mort numérique ». En substance, cette loi permet aux individus de décider, de leur vivant, du sort de leurs données personnelles après leur décès. Ainsi, l’article 85-1 de cette loi stipule que « toute personne peut définir des directives relatives à la conservation, l’effacement ou la communication de ses données à caractère personnel après son décès ».

  • Directives du défunt : Si le défunt a laissé des directives, celles-ci doivent être appliquées conformément à ses souhaits.

  • Absence de directives : En cas d’absence de directives, il incombe aux héritiers de gérer les données du défunt.

Jurisprudence et pratiques actuelles

Jurisprudence

La jurisprudence concernant les données post-mortem est encore en développement. Cependant, plusieurs cas commencent à établir des précédents importants :

Accès aux comptes numériques des défunts

  • Allemagne : En 2018, la Cour fédérale de justice allemande a rendu un arrêt significatif dans une affaire où les parents d’une adolescente décédée souhaitaient accéder à son compte Facebook pour comprendre les circonstances de sa mort. En conséquence, la cour a statué que les données numériques font partie du patrimoine successoral et que les parents avaient le droit d’accéder au compte de leur fille défunte.

  • États-Unis : Aux États-Unis, plusieurs affaires ont également abordé cette question. Par exemple, dans l’État du Delaware, une loi permet aux représentants légaux d’accéder aux comptes numériques des défunts, conformément au Revised Uniform Fiduciary Access to Digital Assets Act (RUFADAA).

Gestion des données après la mort

  • France : En France, l’application de l’article 85-1 de la loi de 2016 pour une République numérique a donné lieu à plusieurs interprétations judiciaires. Celles-ci concernent la manière dont les directives du défunt doivent être appliquées et le rôle des héritiers en l’absence de telles directives.

Effacement et conservation des données

  • Europe : Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne inclut des dispositions sur la conservation et l’effacement des données personnelles. Bien que le RGPD ne traite pas directement des données post-mortem, certains pays européens commencent à intégrer ces questions dans leur législation nationale.

Pratiques actuelles

En outre, des plateformes comme Facebook permettent de créer des comptes mémoriels, transformant le compte d’une personne décédée en une page active mais non modifiable par d’autres. Ces comptes servent de lieux de commémoration où il est possible de consulter le profil du défunt et de laisser des messages. Par conséquent, le vol de ces comptes serait probablement considéré comme une atteinte à la mémoire du défunt.

Par ailleurs, des start-up telles que GRANTWILL exploitent un vide juridique concernant les données après la mort. Cette entreprise permet aux défunts d’envoyer des mails ou de laisser des conseils post-mortem.

Réflexions et positions de professionnels du droit

Articles juridiques

Dans les Archives Philosophiques du Droit, un article intitulé « Le Téléchargement de l’Esprit, Plus Qu’une Expérience de Pensée » (mind uploading) explore le rêve des transhumanistes d’atteindre l’immortalité. Ce concept soulève de nombreux problèmes potentiels, y compris l’impuissance et le retard du système juridique face à ces nouvelles technologies, ainsi que les vides juridiques qui en résulteront inévitablement.

Enfin, la revue « Frontière » a publié un article intitulé « Le Deuil dans le Monde Numérique », qui analyse la reconfiguration des rites funéraires à l’ère numérique.

De ce fait, le développement de l’intelligence artificielle ouvre des perspectives terrifiantes, et le droit reste, pour l’instant, en retrait.

Positions de professionnels du droit

  • Protection des données personnelles : Les experts soulignent la nécessité de protéger les données personnelles des défunts comme celles des vivants, en respectant la vie privée et la dignité des personnes décédées.

  • Éthique et régulation : Certains juristes appellent à une régulation éthique stricte de l’utilisation des données post-mortem pour éviter les abus, notamment par des entreprises qui pourraient exploiter ces données à des fins commerciales.

  • Adaptation législative : Il est souvent mentionné que le droit doit évoluer rapidement pour s’adapter aux innovations technologiques et prévoir des mécanismes de contrôle et de régulation adaptés.

Défis et perspectives

Le développement rapide de l’intelligence artificielle et des technologies numériques pose des défis majeurs à notre cadre juridique actuel. Ainsi, la question de la gestion des données post-mortem est complexe et nécessite une réflexion approfondie pour éviter les abus et protéger les droits des défunts ainsi que ceux de leurs proches.

Vides juridiques

En conséquence, le manque de législation claire sur les données post-mortem crée des vides juridiques que certaines entreprises exploitent. Les autorités doivent donc travailler à combler ces lacunes pour garantir une utilisation éthique et légale des données numériques des défunts.

Un nouveau défi juridique

L’intégration de l’intelligence artificielle et des technologies numériques dans notre vie quotidienne, y compris après la mort, soulève des questions juridiques et éthiques complexes. Il est donc essentiel que les législateurs, les professionnels du droit et la société civile collaborent pour élaborer des cadres législatifs et réglementaires adéquats afin de protéger les droits des individus dans le monde numérique, même après leur décès.

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